Partie 22 : atelier psy sur l'alimentation de Mme. Salvetti
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Parcours by-pass, Angers, 2022.
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17 septembre : Atelier psy Mme. SalvettiDisclaimer : Tout ce que je vais exprimer dans ce message n’engage que moi, ça n’est que mon avis et pas du tout une vérité absolue. Je vais partager mon avis, mes ressentis et mes doutes. Soyez libres de vous faire votre propre avis, de vous renseigner et de prendre vos propres décisions.Alors ça, c’était un rendez-vous qui n’était pas obligatoire du tout et qui a été proposé par ma psychologue privée (rien à voir avec le parcours), mais comme ça restait dans le thème j’ai décidé de l’inclure ici. J’ai reçu un e-mail pendant l’été, où la psychologue nous invitait (nous : les patientes suivies dans le cadre de troubles alimentaires et de tentatives de perte de poids, je pense) à un atelier en groupe qui se passerait à son cabinet. Les thèmes qui seraient abordés : l’alimentation, les émotions, les régimes et le principe de restriction cognitive. L’énoncé était simple :
“Se nourrir autrement. Enfin en paix !
Enfin avec plaisir et bientraitance ! Mincir et rester mince !
En cette fin d’été, le cabinet vous propose un temps de rencontre, d’échange et d’information suite à vos demandes nombreuses. Pour le plaisir d’avancer et de se développer ensemble sur vos connaissances psycho nutritionnelles, en marge des normes à la fois contradictoires et paradoxales dictées par les régimes depuis des temps ancestraux, les idées reçues et les lobby agroalimentaires. Les études scientifiques sont formelles : les « régimes » font grossir sur le long cours et produisent des effets dits « iatrogènes » (quand les solutions aggravent le problème). Évoluer ensemble vers une meilleure appréhension de soi et de son corps de ses émotions et construire une relation à l’alimentation au sein de laquelle liberté, plaisir et convivialité peuvent coexister avec une bonne hygiène de vie.”J’ai trouvé cette façon de présenter les choses un peu obscure et difficile à comprendre, une impression de “dire beaucoup sans pour autant en dire assez” qui m’a un peu dérangée. Mais après tout… pourquoi pas ? J’ai confiance en ma psychologue, et je sais qu’avant, elle travaillait avec la clinique dans laquelle je suis suivie, donc… somme toute, peu de risques. Malgré le coût un peu élevé de cet atelier (80€ non remboursés), j’ai été curieuse, et je me suis dit que toute information / aide / astuce était bonne à prendre, dans la démarche dans laquelle je suis engagée vers de nouvelles habitudes d’alimentation et de gestion de ses émotions.
Nous étions un groupe de 10 personnes de tous âges, de toutes morphologies et de tous milieux. Un homme et 9 femmes, entre 20 et 60 ans. L’ambiance est très cosy (pour ceux qui connaissent Mme. Salvetti, vous voyez de quoi je veux parler !), lumières tamisées, canapés, bougies, effluves d’encens… on nous propose un thé, un café, et on discute pour faire connaissance les uns avec les autres, comme si… presque comme si c’était un groupe d’amis qui se rencontraient pour un goûter improvisé. Ambiance étrange mais chaleureuse. Certaines des personnes commencent rapidement à se parler entre eux d’un “régime” qui a changé leur vie, et elles semblent échanger en toute connaissance de cause, elles semblent être là pour ça. Je tique. Je relis rapidement l’e-mail d’invitation. Pas un mot à ce sujet. Bon…
L’atelier commence par un “tour de table” ou chacun se présente et parle de son histoire avec le poids et l’alimentation. Je me propose de passer en premier, parce que d’ordinaire je n’ai pas de difficultés à parler de moi devant un groupe, mais cette fois je me laisse surprendre : comme je suis un peu perdue et que je ne sais plus trop ce que je fais là et ce qu’on attend de moi, je bredouille quelques généralités sans intérêt et je laisse la parole aux suivants. Le tour de table se poursuit, les gens ont énormément de choses à dire, et je me rends compte que vraiment, je n’ai rien donné. Sans vraiment savoir pourquoi, me sens un peu bizarre, pas très à l’aise, un peu moins ouverte que d’habitude lors des groupes de parole (comme à l’HTP ou dans le centre de Lille où j’ai été opérée en 2014). D’habitude j’aime beaucoup ce concept et ça me fait plaisir de partager mon expérience, mais là… je sais pas. Je reste beaucoup sur ma réserve, je m’exprime peu, je me contente d’écouter.
On finit par entrer petit à petit dans le vif du sujet. Sont abordées des notions que je connais déjà assez bien mais qui ne font jamais de mal à rappeler : les régimes sont nocifs, mauvais pour le corps tant que pour le mental, à cause d’un côté du déséquilibre alimentaire et de la frustration, et d’un autre côté des mécanismes de restriction cognitive qui déversent systématiquement un océan de pensées négatives, anéantissent la confiance en soi et nous font entrer dans un cercle vicieux qui ne donne jamais rien de bon.
Jusque là, on est assez proches de ce que je sais déjà et tout va bien.
Mais l’exposé dévie rapidement et subrepticement vers le cœur de cette mascarade : le régime cétogène, dit “Kéto”. Je suis très étonnée, parce que de ce que j’en ai lu, c’est un des régimes les plus restrictifs et il peut être dangereux s’il n’est pas très bien encadré et suivi très rigoureusement. Il semble être très efficace mais présente le même inconvénient que n’importe quel régime restrictif, dès qu’on lâche, on reprend tout.
J’écoute, curieuse et intriguée. Je me dis naïvement qu’elle nous explique peut-être ça pour nous mettre en garde contre ce genre de choses. Mais non, elle en parle comme d’un miracle qui pourrait changer notre vie sans efforts et serait la solution à tous nos problèmes, de la compulsion alimentaire aux déséquilibres nutritionnels et émotionnels, sans que ça n’exige la moindre volonté de notre part. Ma confiance en elle commence à s’effilocher et je n’en reviens pas d’entendre ce discours.
Sa présentation est bien travaillée et bien construite, elle s’appuie d’abord sur des “sources” scientifiques (auxquelles, selon moi, on peut faire dire ce qu’on veut, surtout en ne disant pas tout et en interprétant à sa sauce) pour nous expliquer tous les mécanismes qui entrent en jeu qui font qu’avec ce régime, c’est impossible d’échouer. Pas une seule évocation des dangers, des inconvénients, pas une seule mise en garde. Une fois les grandes lignes expédiées et les explications “scientifiques” avancées, elle part tout de suite sur quelque chose de plus personnel (pour titiller l’affect, pour instaurer de la proximité, pour créer une “preuve” crédible et en laquelle croire facilement) : elle est elle-même passée par-là. Elle a été obèse et confrontée aux problèmes de poids toute une partie de sa vie, elle a elle-aussi été mise en échec par la restriction cognitive. Elle nous raconte son histoire, son expérience, avec moult détails et un air sérieux et affecté. Je perçois une dissonance immense entre ce qu’elle dégage et ce qu’elle veut montrer, ce qu’il me restait de confiance en elle explose et s’envole. Ça ne prend pas, je ne crois à rien de ce qu’elle raconte, tout sonne faux. Le discours est crédible et logique : elle est psychologue, elle connaît l’esprit humain et a étudié en détails ses mécanismes dans ce genre de situations ; mais l’attitude n’est pas la bonne. Les émotions semblent feintes et aucune sincérité ne transparaît.
Égoïstement, ma première pensée a été : elle me connaît, elle connaît ma sensibilité et ma capacité à “sentir” les gens et leurs énergies. Comment elle a pu penser m’avoir de cette façon ? M’intégrer au groupe et s’imaginer que je serai un bon élément, prête à boire ses paroles sans jamais les mettre en doutes, d’après ce que je ressens et mes propres connaissances ?
Je suis choquée, et blessée. Je me sens manipulée et trahie, j’ai l’impression qu’elle nous prend tous pour des idiots et que je suis la seule à m’en rendre compte, le ressenti est terriblement violent. Tout le monde autour de moi acquiesce d’un air convaincu, semble adhérer aux arguments et il se dégage un certain enthousiasme et soulagement de la part des personnes, qui semblent prêtes à sauter le pas pour se débarrasser de tous leurs problèmes sans difficultés. Peut-être que c’est parce que je suis sur la défensive, mais je trouve la situation ahurissante, et même un peu dangereuse. L’analogie est forte, mais j’ai presque l’impression d’être devant des adeptes face à leur gourou.
Je finis de me désengager totalement du groupe et je me mets encore plus en retrait, les émotions sont très fortes, entre la colère, la déception et la tristesse, j’ai envie de pleurer. La honte un peu aussi, déclenchée par cette impression d’avoir été prise pour une naïve sans aucun sens critique. Mais ça, c’est peut-être juste moi. Peut-être juste parce que la situation m’a fait réagir et a déclenché une pointe d’anxiété qui a dépassé mes pensées. J’en sais rien.
Vient le moment de la collation, qui est supposé être un moment d’échange, de plaisir et de découverte, sain et convivial. Mais j’étais déjà plus là, toute perdue, murée dans mes émotions et sur mes gardes. Je n’étais pas attirée par grand chose, mais j’ai goûté à tout, et j’ai mangé. Beaucoup. Trop. Probablement un vieux réflexe, pour essayer de contrer ces émotions négatives qui ne voulaient pas s’en aller. Plein de plats et amuse-bouches tous orientés “le kéto c’est génial, regardez on peut manger quasiment comme tout le monde et tout est très bon !”, fromage, cakes, gâteaux, chocolat sans sucre, beurre de cacahuète avec édulcorant, pain kéto, crudités… rien ne me plaisait vraiment, et en toute objectivité je trouve que rien ne faisait illusion. Mais ça après… chacun ses goûts. J’ai simplement trouvé ça un brin… hypocrite. De dire que tout est aussi bon et que rien n’est différent.
La suite et fin de l’exposé était tout aussi lunaire que le début, sur des tons un peu complotistes accusant la société et les lobby du sucre. Sur un fond de vérité incontestable évidemment, mais bien brodé et arrangé pour aller dans le sens de l’argumentaire. Rien sur l’aspect émotionnel et les conditions de “réussite” d’un tel régime, rien sur la responsabilité engagée au niveau de la santé. Mais c’est quand même allé loin. Ce serait trop long (et peu pertinent) de tout résumer ici, mais pour ne citer qu’un exemple, il paraîtrait qu’on veut nous faire croire qu’il n’y a aucune différence entre la faim et l’envie de manger pour nous manipuler.
Je suis sortie de là dépitée et perturbée. Je suis pas sûre de quoi penser de tout ça, si c’est moi qui ai surréagi ou pas. Je suis supposée avoir un RDV en individuel quelques jours plus tard, et je me laisse le week-end pour réfléchir et redescendre. Une chose est sûre, je vais avoir besoin d’en parler et de confronter mon avis au sien pour qu’on ne reste pas bloquées sur ça. Mais je crois que ma confiance s’est beaucoup trop effritée, et je ne suis pas sûre que ce soit réparable. Et le choc est d'autant plus grand, que j'avais placé beaucoup de confiance et d'espoirs en elle et en son travail, comme je l'expliquais dans les billets sur mes premiers RDV avec elle.
Atelier non remboursé : 80 € (On est à 495 € en tout depuis le début du parcours)